La croyance d’une existence innée de nos capacités cognitives est une illusion.
Nous sommes des êtres culturellement constitués par les techniques que nous inventons, qui sont aussi des dispositifs, prothèses, et appareils sur lesquels nous câblons et développons nos pensées. L’histoire de notre capacité de penser est aussi l’histoire de ses médiations techniques et technologiques, c’est-à-dire des conditions techniques a priori de formulation de nos contenus de pensée. Aucun support matériel sur lequel notre pensée s’exerce quotidiennement n’est donc anodin. Tous formatent nos réflexions, décisions, hésitations, raisonnements, abstractions, intuitions, calculs, rêves, songes, respirations, etc., qui constituent notre vie spirituelle et notre intelligence individuelle et collective – le Noös, disaient les grecs ; différemment de Psyché, qui désignait la versatilité de la vie affective.
Or, aujourd’hui, cette vérité oubliée prend une tournure préoccupante, qui nous impose non seulement d’en prendre conscience, mais aussi d’en prendre position. L’invention technologique est entrée dans une époque historique nouvelle qui reconfigure en profondeur le câblage de nos pensées, de nos opérations et puissance cognitives. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, l’économie de l’ingénierie numérique développée par l’industrie des BIG DATA, et la propulsion extraordinaire engendrée par de nouvelles Intelligences Artificielles, forment le medium contemporain de l’esprit. Celles-ci sont autant porteuses de puissances d’information, de communication et de calcul inédites, que des causes actuelles des expériences mentales grises de notre quotidienneté. Homogénéisation, addiction, préemption, automatisation, synchronisation, non-cognition, fragmentation, disjonction, dissipation, gouvernementalité algorithmique, sub-médialité, etc., forment ainsi l’horizon critique de notre cognition actuelle, individuelle et sociale, qui accable ses causes technologiques nouvelles.
Nous devons prendre position contre ces tendances, politiquement et culturellement. Non pour condamner à néant les potentialités offertes par les technologies numériques et le machine-learning, avec lesquelles nous pouvons composer. Mais pour nous réapproprier individuellement, démocratiquement et culturellement une puissance d’action et d’auto-détermination critique sur l’avenir technologique de notre pensée. Il faut imaginer une politique démocratique de l’esprit par un design de l’esprit, entendu comme le projet et le dessin des supports matériels qui sous-tendent l’existence des expressions de l’esprit.
C’est donc un noödesign qu’il nous faut concevoir et développer. Un design des câbles, des circuits et des médiations techno-cognitives qui forment un esprit. Sa méthode n’est pas celle d’une implémentation de normes idéales dans une matière technique, mais une discursivité analytique, critique et prescriptive articulée à des expérimentations designs subjectives et culturelles, qui fondent ensemble la possibilité d’un nouveau design territorialisé de la pensée. Cette redirection de l’avenir technologique de nos processus de pensée devra toujours suivre des horizons techniques qui placent la liberté, la diversité, la sociabilité et la singularité à leurs sommets. La vitalité et la jouissance esthétiques seront les ultimes valeurs qui devront jaillir de ce nouveau design. Les nouvelles potentialités technologiques pourront alors représenter autant de nouvelles formes de vies spirituelles qu’esthétiques. C’est à ce défi politique et culturel qu’il faut à présent nous consacrer. C’est à celui-ci que NOÖDESIGN veut se destiner.
15 avril 2021 de 16h30 à 19h30
programme12 mai 2021 de 16h30 à 19h30
programme2 juin 2021 de 16h30 à 19h30
programmeSi la crise de l’attention engendrée par nos modes de communications numériques et l’avènement d’un certain capitalisme numérique sont désormais des faits établis, les solutions pour y remédier doivent alors être discutées.
Après plusieurs études démontrant l’exploitation par les designs numériques des GAFAM de vulnérabilités psychologiques aliénant l’attention des usagers, plusieurs acteurs ont décidé de s’emparer du problème pour en faire un nouvel axe de recherche et de régulation : « Le droit numérique de l’attention ».
Est-il possible de « protéger » juridiquement l’attention ? Ou de promouvoir juridiquement une conception numérique « respectueuse » de nos attentions ? Comment le droit peut-il réguler la crise de l’attention ? Quelles conceptions du phénomène attentionnel peut-on considérer pour élaborer de nouvelles catégories juridiques opératoires sur la vie numérique de notre attention ?
L’originalité de cette rencontre sera de montrer que la crise de l’attention à l’époque numérique nous invite aujourd’hui à concevoir des approches et catégories juridiques propres à réguler ce phénomène. Ces propositions pourraient notamment prendre appui sur les apports des révolutions métaphysiques et épistémologiques produites par les sciences des médias américaines et allemandes afin d’interroger les capacités et supports de pensée des êtres humains, « êtres techniques » par excellence.
Avec les interventions de : Célia Zolynski, Marylou Le Roy, François Levin, Stefana Broadbent, Fabien Tarissan, Karine Favro, Serge Abitboul, Yves Citton, Anne Alombert, Antonino Bondi, Emmanuel Alloa, Igor Galligo, Anselin Gautier et Antoinette Rouvroy
Partenaires : Ecole Universitaire de Recherche ArTeC, l’Institute of Experimental Design and Media Cultures de la FHNW, le Conseil national du numérique, le projet Tesaco, l’Institut de Recherches Juridiques de la Sorbonne et l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
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